Alors que nous sommes tous sur les starting blocks, que les fêtes s’apprêtent à débuter, TakeMein vous invite à prendre le temps de (re)découvrir Tsuchinoko, au travers d’une interview qu’il nous a fait l’honneur de nous accorder.
1/ Peux-tu te présenter à nos lecteurs ? Leur dire d’où tu viens ? Et que signifie le mystérieux blase de Tsuchinoko ?
Moi c’est Mike, aka Tsuchinoko ou Tcnk. Je travaille dans le milieu du graphisme depuis plus de 15 ans (3 agences de pub, M6, et ma propre SARL que j’ai créé de 2004 à 2011). Aujourd’hui je travaille en indépendant pour plus de flexibilité et plus de choix dans les projets qui me sont proposés. J’ai grandi dans le 91. Grosse période dans le graffiti et j’ai réussi les concours pour entrer en école de dessin à Paris. Ça a conditionné la suite de mon histoire. Depuis j’ai toujours travaillé dans la capitale.
Mon blase vient d’un ami au Japon. Le Tsuchinoko est un serpent légendaire nippon, pas très long et plutôt plat. Il y a un mystère autour de son existence. Certains paysans en parlent depuis la nuit des temps, les autres pensent que c’est un mythe, une sorte de dahu japonais. On le connait sous d’autres noms dans d’autres régions de l’archipel, comme le « rachi hebi », dans l’Est par exemple. Les textes anciens disent qu’il aurait le don de la parole avec une tendance récurrente à mentir et un certain intérêt pour l’alcool.
2/ Quelles sont tes influences artistiques et quel maître mot pourrait, selon toi, caractériser l’ensemble de ton travail ?
À la vue de mon travail, il semblera évident pour tout le monde que mes productions sont fortement influencées par la culture japonaise. Je produis généralement des illustrations très détaillées en noir et blanc, avec une touche de rouge, en utilisant principalement des rotrings, microns ou stylos bille. J’essaye actuellement de travailler un peu plus la couleur, mais c’est plus dans le domaine de la peinture. Je suis relativement curieux et m’essaye volontiers aux techniques que je ne maîtrise pas ou même abandonner mes feuilles un temps pour revenir au support mural, ce qui sera le cas pour un projet en début d’année.
3/ Les animations japonaises (aussi bien films que séries) te touchent-elles, et d’après toi lesquelles faut-il absolument voir ? (pourquoi?)
J’ai grandi avec. J’ai tellement baigné dedans que je suis même quasiment passé à côté de la culture des supers héros et comics ricains. J’ai commencé par dessiner des tonnes de Goldorak, Albator, Spectreman, San Ku Kai, etc… Ça a clairement influencé ce que je produis aujourd’hui, bien que je pourrais très bien me lancer sur d’autres sujets. Mais depuis mon premier voyage au pays du soleil levant, cette culture se renforce en moi. J’y puise un maximum chaque fois que j’y retourne et je suis aujourd’hui encore un gros consommateur d’animés. Je pourrais te dresser une liste incroyablement longue mais on va dire que j’ai des incontournables.
En film je dirai « Akira » de Katsuhiro Otomo, ma première grosse claque sur écran géant. A l’époque, je n’arrivais pas à croire qu’on puisse faire ça simplement en dessinant. Il y a aussi « Tokyo Godfathers » de Shôgo Furuya , un petit bijoux aussi bien au niveau du scénario qu’au niveau de la poésie qui s’en dégage, une perle à voir absolument et qui mériterait d’être plus connu. j’ajouterai « Perfect Blue » de Satoshi Kon (rarement vu un délire visuel aller si loin), « Ghost In The Shell » de Masamune Shirow, une référence sur ce thème, et enfin « Mononoke Hime » du grand Hayao Miyazaki, mon préféré de tous. L’histoire, les personnages, l’époque, l’animation, les sujets abordés (terriblement d’actualité au final) forment pour moi un monument de l’animation japonaise.
J’en profite pour partager un petite anecdote au sujet de Miyazaki. J’ai passé mon anniversaire au Japon en 2011. Des potes locaux m’ont emmené au musée Ghibli (j’étais déjà comme un fou), mais surtout ils m’ont emmené par la suite au Studio Ghibli 2, studio moins connu que le premier du nom (plus d’infos). Il se trouve que le Sensei Miyazaki se trouvait par chance là et qu’il était en pleine session de travail. Nous avons alors prit notre courage à 2 mains, sonné à la porte et expliqué poliment et humblement que je venais de France et que ça serait extraordinaire pour moi qu’il puisse me dédicacer l’artbook de Mononoke Hime que j’avais sur moi. La porte se referme, nous voyons l’assistante avancer tête baissée vers le maitre et lui faire part de notre requête. Puis, elle est revenue vers, nous expliquant qu’il était en plein processus créatif et qu’il ne voulait pas être dérangé. Le français que je suis ne voulait pas partir sans mais j’ai vu dans le regard de mon ami japonais que nous en avions déjà trop fait… Impressionné et déçu, je fais mine de comprendre et repars bredouille vers la voiture. J’ai quand même pris quelques cliqués furtifs du maitre. Je ne suis vraiment pas du genre groupie mais là c’était l’occasion où jamais !
Pour en revenir aux animés, j’attends impatiemment le prochain « Capitaine Harlock ». Je pense qu’on va se prendre une énorme claque visuelle, les trailers promettent en tout cas.
En série, j’ai eu mes petits coups de coeur. « Durarara » !! Oui je sais le titre est con mais le design caractère ainsi que la mythologie urbaine appliquée au quartier d’Ikebukuro fonctionnent vraiment bien. Il y a aussi l’incontournable « Lupin » ou encore « Claymore ». « Ano Hi Mita Hana No Namae O Boku-tachi Wa Mada Shiranai » (à vos souhaits) m’a bien pris aux tripes (une histoire bien triste dans la lignée du « Tombeau des lucioles »). « High School Of The Dead » (pas ultra beau mais terriblement efficace niveau animation…. et zombies !). Sans oublier « GITS : Stand Alone Complex » (Motoko Kusanagi est l’un de mes personnages préférés). En fait la liste est longue…
4/ Quelle est la technique de représentation que tu affectionnes le plus et peux-tu expliquer en quoi elle consiste ?
Je travaille aussi bien en traditionnel qu’en digital, et je pense qu’au final je ne pourrai jamais choisir une technique plus que l’autre. Elle sont complémentaires et apportent chacune leur lot d’avantages et d’inconvénients. L’idéal est selon moi un mix des deux pour obtenir un travail parfait. Mais avant tout, le passage par le traditionnel est important, coucher sur du papier des poses, des croquis, des idées, est un passage obligé dans mon process de création avant d’envisager quoi que ce soit sur tablette. Je pars d’un croquis ou une vague idée posée sur du papier, je «laisse sécher» comme je dis souvent, puis je reviens dessus quelques jours après pour voir si l’idée tient toujours la route. Beaucoup finissent à la poubelle. Les autres seront re-travaillées jusqu’à obtenir un tracé parfait. J’attaque ensuite l’encre ou la tablette.
5/ Concernant ton actualité, as-tu des projets en cours et peux-tu nous en parler ?
La fin d’année 2013 et le premier trimestre 2014 sont plutôt chargés pour moi. Je viens juste de terminer une grosse présentation au Palais des Congrès de Paris pour un de mes clients (je suis également graphiste print/web). Là je commence un chantier en Suède : un restaurant de sushis m’a commandé une illustration pour leur mur de 7m par 3. J’ai également 2 projets qui se précisent petit à petit dans le domaine du textile avec une marque londonienne et une autre japonaise, mais je ne peux pas en dire plus là dessus pour le moment. Je reprends aussi la com’ graphique d’une nouvelle boutique de piercing/tattoo à Rouen, j’ai deux prints d’une 100ne de pages chacun et une appli Ipad en attente. Plus en trame de fond mes projets persos, collab avec d’autres artistes et préparation d’une expo de mes illustrations. J’ai également un projet avec Onitsuka Tigers, tout est chez eux, après les process pour ce genre de boite sont très longs. 2014 s’annonce plutôt pas mal !
6/ Envisages-tu de mettre en place des collaborations avec d’autres artistes ?
Oui c’est en cours. J’ai eu par le passé la chance de travailler avec des grands noms, Sergey Shapiro en Russie, Chris Panda en France, Kentoo au Japon. En 2013 je me suis pas mal rapproché de l’ami Tizieu (son interview ici). C’est un mec que j’aime beaucoup aussi bien pour son talent qu’humainement. On a vraiment pas mal d’idées dans nos cartons et on est en train d’en concrétiser une. Ça prend un peu de temps car on a respectivement pas mal de taf, mais on va y arriver. J’ai également une collab en instance avec Ultrafry de Londres, et une deuxième avec Kentoo mais là encore c’est plus des histoires de planning que d’envie.
7/ Parmi toutes les œuvres que tu as réalisé, laquelle te rend le plus fier et pourquoi ?
La notion de fierté est vraiment éphémère chez moi. Je vais terminer une illustration, en être vraiment content sur le moment, mais j’ai déjà en tête le sujet de la prochaine dont le but sera de faire mieux que celle que je viens de terminer donc pas trop le temps d’être fier. J’admire beaucoup d’artistes et je remets très souvent mon travail en perspective par rapport à leur production. Ça non plus ça ne me laisse pas le temps d’être fier. Reste que voir son boulot à la TV ou en 4 par 3 dans les rues de Paris, ça fait toujours son petit effet (sourire). D’un autre côté je m’aperçois également que certaines de mes illustrations plaisent beaucoup sur mon shop alors que ce ne sont pas celles que j’aurais personnellement plébiscitées. J’ai appris qu’on a beau être fier de certains de ses boulots, au final ça ne leur garantit pas le succès.
8/ Quels sont les endroits où tu aimes trainer et que nos lecteurs pourraient découvrir ?
Au risque de te décevoir je suis un peu dans une période casanière en ce moment car d’une part j’ai beaucoup de travail, et d’autre part mon petit garçon occupe le reste de mon temps. J’essaye de me faire régulièrement quelques petits vernissages de potes ou dans des galeries que j’aime bien du genre Welcome ou Sergeant Paper. Des expos aussi quand je peux. A ce propos il faut que je trouve un créneau pour aller jeter un œil à l’expo Pixart, à la cité de la mode et du design.
9/ Bon franchement, tu lui as demandé quoi au Père Noël ? En supposant que tu as été sage cette année.
Oulaaaa… si je m’en tiens à la définition de mon blase, c’est mal parti pour la sagesse ! De toute façon je n’ai rien commandé au Père Noël, il aura déjà assez de boulot avec mon petit bonhomme ! (rires).
10/ Quel est ton sandwich/burger préféré ?
Ça sera assurément un sandwich sans viande et sans poisson car je suis végétarien. On va dire un bon petit Burger Végé’ comme celui que j’ai mangé la semaine dernière au dernier vernissage avec l’ami Alex Soup. Petite sauce, petits champignons, steak de légumes cuit parfaitement et frites en accompagnement. Classique mais efficace !
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